FUGUE...

Il était le premier homme à lui offrir des fruits …ce n’était généralement pas ce qu’on lui offrait  comme présents. Elle les pris délicatement entre ses doigts , son geste lui fit  soudainement réaliser leur fragilité et leur ressemblance avec ce qu’elle avait l’habitude de prendre dans ses mains pour rendre un homme heureux…elle se rappela que sa mère raffolait de ces fruits et sa mémoire commença à zieuter  le plaisir qu'elle prenait  à  les manger…l’obscénité de ses pensées l’effraya , elle dut chasser violemment ces images de ses yeux …oui, parfois ce n’était plus son cerveau qui commandait mais sa mémoire visuelle qui parlait à contre courant…Elle dut crier fort pour faire taire tout le monde dans sa petite tête en ébullition .

Alors son cerveau entama une autre phase de rébellion, la submergeant d’un flot de questions existentielles ou elle avait à  s’interroger sur l’intérieur d’une bourse si par hasard, elle  arrivait  à en crever une …serait-elle aussi sucrée que la figue ? Aurait-elle la même texture? elle se rappela celles des moutons, que les hommes servaient solennellement chaque Aïd aux femmes, toujours avec la même curiosité dans le regard-s’ils n’osaient jeter une vanne à deux balles sur leur taille-,   c’était cela aussi l’aïd sur lequel elle angoissait déjà .Elle devra de nouveau faire face à la joie  collective  pour la boucherie qui va s’abattre sur le pays.
Une boucherie préméditée  à ciel ouvert s’accompagnant de messages visuels, auditifs et écrits aussi sanguinaires et blessants pour l’âme .Non cette année ,elle  ne va pas être 
haineuse , ni ignorer les coups de fils et les SMS lui souhaitant « Aidek mabrouk Et Snin Deyma!»(comme si c’était joyeux de vivre longtemps entre criminels ).Cette année, elle va tous leur souhaiter de bonnes fêtes sur un ton béat qui les rassurera sur sa santé mentale , sa vie affective , sa vie professionnelle , sa sexualité , sa manière de gérer son divorce ,ses enfants, sa relation avec sa mère …etc., etc.
Autrement, elle sera pointée du doigt et on l’acculera avec désolation des fameuses  étiquettes de « malheureuse », « insatisfaite », «  Mal baisée », «  dépressive », « irrespectueuse » ou  « fofolle » selon l’humeur et l’assistance …

Oui ! Dans la joie et le bonheur, elle fera ce qu’elle doit faire mais, pour supporter tout cela, elle n’a qu’à ajuster ses lentilles intérieures, les yeux de son cerveau….elle les regardera certes, elle mangera la viande qu’on lui offre mais personne ne l’empêchera de les voir avec les yeux de Bacon, de Freud ou de Soutine …elle
.intitulera son exposition intérieure « l’art de l’horrible »ou « l’horrible en beauté » 
Benefits supervisor -Lucian Freud
bœuf Écorché -Soutine 

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